La Boussole pour la Compétitivité
Dans un nouveau contexte marqué par la présidence de Donald Trump aux États-Unis, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a récemment présenté la boussole pour la compétitivité de l’Union européenne. Cette feuille de route pour son mandat vise notamment à stopper le décrochage de l’économie européenne face aux deux grandes puissances, les États-Unis et la Chine, dont les rapports Draghi et Letta ont dressé un diagnostic alarmiste en 2024. Si cette démarche a pu être interprétée comme une première réponse aux initiatives américaines, il est clair qu’elle dépasse le strict cadre de l’arrivée de Donald Trump au pouvoir. Il s’agit de s’inscrire dans une perspective de repositionnement de l’Europe dans la course mondiale parmi les grandes puissances.
Quatre propositions d’actions
La stratégie avancée par la Commission européenne repose sur trois axes majeurs : l’innovation, la décarbonation et la sécurité. Ces axes sont déclinés dans quatre propositions d’action :
Alléger et simplifier la réglementation
La première proposition d’action consiste à alléger et simplifier la réglementation européenne. L’idée est de réduire les obstacles administratifs et les lourdeurs bureaucratiques qui freinent l’innovation et le développement des entreprises. En simplifiant les processus, la Commission espère créer un environnement plus favorable à la croissance économique et à la compétitivité des entreprises européennes.
Stimuler l’innovation et le développement des nouvelles technologies
La deuxième vise à stimuler l’innovation et le développement des nouvelles technologies. La Commission européenne prévoit de renforcer les investissements dans la recherche et le développement, de soutenir les start-ups et de promouvoir les partenariats entre le secteur public et le secteur privé, notamment avec nouvel instrument financier européen, le fonds pour la compétitivité. L’objectif est de faire de l’Europe un leader mondial dans les domaines technologiques clés, tels que l’intelligence artificielle, les biotechnologies et les énergies renouvelables.
Réduire les coûts de l’énergie et renforcer la sécurité
La troisième tend à promouvoir l’efficacité énergétique, encourager les investissements dans les infrastructures énergétiques et diversifier les sources d’approvisionnement. En réduisant la dépendance aux énergies fossiles et en augmentant la part des énergies renouvelables, l’Europe pourra non seulement réduire ses coûts énergétiques, mais aussi renforcer sa sécurité et sa résilience face aux crises.
Réduire la fragmentation des marchés stratégiques
Enfin la dernière proposition porte sur la réduction de la fragmentation des marchés stratégiques comme l’énergie, la finance ou la défense. La Commission européenne propose de renforcer la coopération et l’intégration entre les États membres dans ces domaines clés, avec notamment l’Union des marchés de capitaux. En créant un marché unique plus intégré et plus efficace, l’Europe devrait mieux répondre aux défis globaux et accroître sa compétitivité sur la scène internationale.
Avec la démarche engagée par son initiative, la Commission européenne entend opérer une certaine révolution destinée à passer d’un modèle traditionnellement fondé sur la régulation à un modèle plus offensif. Pour l’Union européenne, il ne s’agit plus seulement de réguler et de contrôler, mais de prendre l’initiative et d’innover. Cette nouvelle approche devrait lui permettre d’assurer sa souveraineté face aux grandes puissances et de retrouver sa place sur la scène mondiale.
Derrière un discours volontaire, de nombreuses interrogations et faiblesses structurelles
L’initiative de la présidente de la Commission représente une réponse ambitieuse et volontariste aux défis économiques et géopolitiques qui s’annoncent pour son deuxième mandat.
Toutefois de nombreuses questions restent ouvertes pour parvenir à remettre l’Europe sur le chemin proposé.
• Comment poursuivre les grands chantiers engagés durant la précédente mandature, tel que le green deal, alors que des courants contraires se font jour ?
• Comment progresser dans la mise en œuvre des propositions avancées ? La Commission évoque une vingtaine de propositions législatives à adopter par les deux législateurs. Mais l’unité entre les États s’est quelque peu fracturée et du côté du Parlement, les conséquences de l’évolution des équilibres politiques ne sont pas encore très claires.
• Comment financer les investissements nécessaires ? Le prochain Cadre Financier Pluriannuel de l’Union européenne sera-t-il à la hauteur des attentes ? Le rapport Draghi évoque un montant de 800 milliards d’euros par an. Des États membres tels que l’Allemagne ou les Pays-Bas ont clairement manifesté leur opposition à un nouvel emprunt européen.
• Comment les politiques sectorielles de l’Union européenne dont celles des transports sauront-elles s’inscrire dans les perspectives de la stratégie poursuivie, y contribuer collectivement en recherchant les complémentarités et évitant les risques d’incohérence ?
• Enfin, alors que la stratégie proposée n’avait pas pour objectif d’apporter une première réponse aux initiatives récente de l’administration Trump, comment l’Europe doit-elle réagir aux décisions et dispositions mises en œuvre récemment par les États-Unis et s’inscrire dans une perspective de long terme pour garantir sa sécurité, sa compétitivité et sa souveraineté à leur coté ?
Au-delà des objectifs poursuivis par la boussole pour la compétitivité, ces questions ne manqueront pas d’être au cœur des débats qui se tiendront tant au sein du Conseil que du Parlement. Elles détermineront l’efficacité de sa mise en œuvre et ses résultats.