Le 3 juin 2022, sous l’égide de la Fédération de l’industrie européenne de la construction (FIEC), se tenait à Bruxelles le premier colloque consacré à la maintenance des ouvrages d’art en Europe. Cet évènement avait l’ambition de croiser les politiques de maintenance dans plusieurs pays européens mais aussi d’interroger la place de la maintenance dans les politiques européennes. Car l’effondrement du pont de Gênes en 2018, et plus largement les conséquences concrètes du sous-investissement dans la maintenance, renforce désormais cette thématique dans les débats européens.
Une intégration inédite dans une proposition législative de la Commission européenne
Prérogative avant tout des États membres, la maintenance des infrastructures avait jusqu’alors une place relativement minime dans les politiques européennes. Si des actions en matière de modernisation des infrastructures sont soutenues financièrement par la politique européenne de cohésion (particulièrement dans les pays d’Europe centrale et orientale) ou au titre de l’instrument financier dédié aux infrastructures européennes (Mécanisme pour l’interconnexion en Europe), l’Union européenne met d’abord la priorité sur la réalisation d’infrastructures nouvelles, permettant notamment de compléter les liaisons manquantes au sein du réseau transeuropéen de transport (RTE-T). Il faut attendre la proposition de révision du règlement RTE-T publiée par la Commission en décembre 2021, pour voir, pour la première fois, l’intégration de la notion d’entretien dans une proposition législative européenne. Ainsi, la Commission estime qu’il revient aux États membres de veiller à ce que les infrastructures du RTE-T soient entretenues et que soient mis en place des plans d’entretien à long terme, comprenant des informations sur les ressources financières nécessaires pour couvrir les coûts d’entretien. En outre, la Commission souhaite que les États s’assurent que les besoins et les coûts d’entretien soient pris en compte dans la phase de la construction.
La maintenance face au double défi de la transition écologique et numérique
Outre les aspects évidents liés à la sécurité des infrastructures, la maintenance prend un écho plus important avec l’accent porté par la Commission européenne sur la transition écologique et énergétique, au titre du Pacte vert (Green Deal). L’entretien continu des infrastructures en service permet en effet de contribuer de manière substantielle à une économie circulaire en prolongeant leur durée de vie, réduisant ainsi la consommation de matières premières et la production de déchets, tout en contribuant à la réduction des émissions de CO2. C’est la raison pour laquelle la maintenance des infrastructures routières est proposée dans le cadre de l’objectif relatif à l’économie circulaire par la Plateforme sur la finance durable, l’instance qui conseille la Commission européenne dans l’exercice complexe de la taxonomie (classification des activités vertes).
Par ailleurs, l’innovation (soutenue, entre autres, par la politique européenne de la recherche) et le recours aux outils numériques permettent une amélioration du suivi des ouvrages et une anticipation des travaux d’amélioration et d’entretien (par exemple dans le cas des ponts, comme le rappelle une note du Centre commun de recherche). L’objet est d’optimiser le coût des infrastructures sur leur durée de vie, dans une période de raréfaction des fonds publics.
Une connaissance encore insuffisante du patrimoine
Toute action de maintenance impose une connaissance préalable du patrimoine existant dans l’ensemble de l’Union européenne. Or, les données concernant l’état du patrimoine sont souvent lacunaires et diffèrent d’un État à l’autre, en raison d’une absence de méthode d’évaluation homogène. La difficulté réside aussi dans le morcellement des responsabilités en matière de gestion des infrastructures, du niveau national à l’échelon local.
Or, de nombreuses infrastructures sont confrontées au même problème du vieillissement des structures, une situation aggravée par la réduction des budgets publics dédiés à la maintenance. Il s’agit donc de pérenniser les dépenses consacrées à l’entretien, en affectant des recettes fiscales spécifiques, en mobilisant des subventions, en mettant en œuvre une tarification routière ou en recourant aux partenariats publics-privé. Dans cette optique, l’approche en termes de cycle de vie, tenant compte des phases de construction mais aussi d’utilisation de l’infrastructure, semble tout indiquée.