La présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE), objectifs et priorités

Patrick Faucheur

Membre du Conseil scientifique de TDIE

La présidence française du Conseil de l’Union européenne qui a débuté au 1er janvier et se déroule jusqu’à fin juin poursuit trois ambitions majeures : réaffirmer et renforcer la souveraineté de l’Europe, redéfinir et mettre en œuvre un nouveau modèle européen de croissance et promouvoir une Europe à taille humaine.

Une Europe souveraine, c’est une Europe qui maîtrise ses frontières en même temps qu’elle se préoccupe de la stabilité et de la sécurité de son voisinage et progresse vers une Union de la Défense. Un nouveau modèle de croissance, c’est l’ambition de conforter la compétitivité de l’Europe par rapport aux grandes puissances économiques, notamment en matière industrielle, technologique, de recherche et d’innovation. Une Europe à taille humaine, c’est réaffirmer les valeurs qui ont fait l’Europe et qui sont toujours d’actualité. Ces trois ambitions politiques destinées à donner un souffle nouveau à l’Union européenne vont se traduire dans deux types d’actions de la présidence française : la conduite des travaux législatifs au sein du Conseil et en liaison avec le Parlement européen d’une part, et les évènements qu’elle a prévu d’organiser sous le label « présidence française du Conseil de l’Union », dont un grand nombre de réunions à caractère informel pour faire progresser les idées et dégager des orientations d’autre part. Celles-ci se déclinent dans des grands chantiers sur lesquels la Présidence française entend progresser et obtenir des résultats dans l’avancement des travaux menés par les deux institutions, le Parlement et le Conseil.

C’est en premier lieu le pacte vert (Green Deal) destiné à mettre en œuvre dans l’ensemble des domaines d’activité concernés les dispositions de la loi climat (1) qui a fixé pour objectif la neutralité carbone en 2050, et la réduction des GES de 55% d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990. La présidence française, à la suite des premiers travaux déjà menés par la Slovénie au cours du second semestre 2021, s’attachera ainsi à avancer sur les textes proposés par la Commission européenne en juillet dernier dans le paquet « fit for 55 » pour rechercher des accords au sein du Conseil, et si c’est le cas lors des trilogues (2) qu’elle aura pu engager avec le Parlement. Le texte concernant le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières constitue sa première priorité, mais la Présidence française devrait aussi se saisir de la plupart des propositions législatives destinées à accélérer la décarbonation des transports, de l’énergie ou des logements notamment. L’une des difficultés réside dans l’interdépendance et la complémentarité entre les textes du paquet, ce qui nécessite une vision d’ensemble et un avancement des travaux sur les différents textes au même rythme. Ce sera l’un des enjeux majeurs de la Présidence de maîtriser cette approche d’ensemble pour éviter des risques d’incohérence, en tentant d’obtenir au sein du Conseil un accord sur la plupart des textes en même temps. Elle aura aussi à tenir compte de nouvelles propositions législatives de la Commission qui devraient intervenir au cours du semestre, dont certaines auront un lien direct avec le paquet climat dont elle a fait l’une de ses priorités.

La transition numérique figure aussi parmi les chantiers prioritaires de l’Union européenne. La présidence française cherchera à faire adopter l’agenda numérique européen s’agissant des deux projets de règlements présentés le 15 décembre 2020, sur les marchés numériques (projet de règlement sur les marchés numériques, Digital Markets Act) et les services numériques (projet de règlement sur les services numériques, Digital Services Act).

Un autre chantier sur lequel la présidence française aura à poursuivre les travaux au sein du Conseil concerne la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux et en particulier son plan d’action présenté par la Commission en mars dernier. Parmi ses priorités, elle a notamment placé le projet de règlement en cours de négociation sur le salaire minimum.

La Présidence française et les transports

Le paquet « fit for 55 » comprend plusieurs textes qui impactent les transports :

  • L’extension du système d’échanges de quotas d’émissions de CO2 au transport maritime et au transport routier
  • La révision du règlement relatif au développement de l’infrastructure pour les carburants alternatifs destinée à en accélérer le déploiement
  • La révision des règles relatives aux émissions de CO2 pour les voitures et les VUL (véhicules utilitaires légers) introduisant des objectifs de réduction plus élevés,
  • La proposition Refuel EU Aviation destinée à réduire l’empreinte environnementale du secteur de l’aviation
  • La proposition relative à l’utilisation de carburants renouvelables et bas carbone dans le transport maritime
  • La mise en place d’un fonds social pour le climat visant à atténuer les incidences du nouveau système de quotas d’émission deux secteurs, le transport routier et le bâtiment

Les propositions législatives correspondantes ont déjà fait l’objet de premiers travaux au sein du Conseil lors de la présidence slovène, en particulier lors du Conseil Environnement de décembre 2021 au cours duquel un premier échange de vues a pu être organisé, ou à l’occasion du Conseil Transports pour les textes relatifs à l’infrastructure pour les carburants alternatifs, la proposition Refuel Aviation et celle sur les carburants bas carbone dans le transport maritime. Les travaux sur ces textes sont, en effet, partagés entre les formations environnement et transport du Conseil. Du côté du Parlement, les textes ont commencé fait l’objet de premiers travaux au sein des commissions compétentes. Des premiers rapports pourraient être adoptés au cours des prochains mois, permettant, si le Conseil a conclu des accords, d’engager les trilogues.

Dans ce contexte la présidence française espère progresser rapidement sur les textes traitant du déploiement de l’infrastructure pour le carburant alternatif et des carburants plus respectueux de l’environnement pour l’aviation pour lesquels les États Membres se sont déclarés favorables, mais aussi pour les autres textes comme la réduction du CO2 des véhicules ou l’inclusion du transport maritime dans le système de quotas d’émission de CO2 (ETS). A ce stade, l’inclusion du transport routier dans l’ETS semble susciter plus de difficultés au sein des États Membres. La présidence française, lors du Conseil informel des ministres des Transports qu’elle organise les 21 et 22 février au Bourget, devrait poursuivre les échanges dans un cadre informel pour faciliter la recherche de compromis.

Par ailleurs la Présidence française devra reprendre les travaux en cours sur le Ciel unique européen qui en sont au stade des trilogues entre le Parlement et le Conseil sans que jusqu’à présent une perspective d’accord ne se dessine. Toujours dans le domaine de l’aérien, le sujet des créneaux horaires continuera à mobiliser le Conseil et le Parlement qui auront à se prononcer sur la proposition d’assoupissement présentée récemment par la Commission.

Au-delà de ces textes que la Présidence française a inscrits parmi ses priorités, elle aura aussi à engager les travaux du Conseil sur les propositions de la Commission publiées en décembre 2021, en particulier la révision du règlement RTE-T destinée d’une part à intégrer davantage les considérations environnementales, et d’autre part à renforcer les mécanismes de coordination pour les corridors du réseau et la cohérence entre les objectifs communautaires et les programmes nationaux en matière d’infrastructure pour favoriser les échéanciers d’achèvement du réseau. Les trois autres initiatives de la Commission présentées en décembre, s’agissant du plan d’action ferroviaire, des orientations pour la révision de la directive sur les systèmes de transport intelligent ou encore du futur cadre pour la mobilité urbaine pourront aussi donner lieu à de premiers échanges au sein du Conseil.

Enfin, un dossier d’actualité, la mise en application le 2 février prochain de la directive sur le détachement des conducteurs routiers, pourrait susciter des remous et impacter les travaux du Conseil.

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A la suite de la présidence slovène qui a engagé des premiers échanges sur les textes relevant du Pacte vert (destiné à mettre en œuvre les objectifs de l’Union européenne en matière de lutte contre le changement climatique et pour lesquels les transports portent une large part), la recherche d’accords entre les États Membres constituera pour la Présidence française un enjeu majeur. Elle devra, à cet égard, faire preuve de volontarisme dans la conduite des travaux du Conseil, mais aussi de neutralité dans la recherche de compromis. Son expérience des présidences précédentes devrait lui permettre d’obtenir des premiers résultats qui seront par la suite complétés par les présidences de la République tchèque (2ème semestre 2022) et de la Suède (1er semestre 2023) pour doter l’Union européenne des dispositions et des outils qui lui sont nécessaires pour atteindre les objectifs fixés par la loi climat.

(1) Loi climat européenne : règlement (UE) 2021/1119 du 30 juin 2021, publiée le 9 juillet 2021

(2) Les trilogues sont des réunions triparties informelles sur des propositions législatives entre des représentants du Parlement, du Conseil et de la Commission. Leur objectif est de parvenir à un accord provisoire sur un texte acceptable à la fois pour le Conseil et le Parlement.

Pour aller plus loin,

Vous trouverez ci-après quelques éléments de dossier réalisés dans le cadre de la veille européenne de TDIE, et publiés par la revue TI&M (Transports Infrastructures & Mobilité) :

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