Un pacte vert pour l’Europe !

Patrick Faucheur

Membre du Conseil scientifique de TDIE

Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne depuis le 1er décembre 2019, a présenté le 11 décembre son « pacte vert pour l’Europe ». Le Parlement et le Conseil sont appelés à se prononcer sur les orientations de cette communication de la Commission(*), qui mobilise très largement l’ensemble des politiques de l’Union et annonce plusieurs initiatives législatives. Ambitieux, fondé sur l’objectif d’une neutralité carbone à l’horizon 2050, le « Green Deal » annonce la révision de plusieurs textes qui régissent le cadre européen de la politique des transports. Cette grande ambition devrait avoir un impact sur la politique des transports des Etats et des collectivités territoriales, les transports relevant des compétences partagées entre l’Union et les Etats-membres.

Plaçant la lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement au rang de première priorité pour l’Union européenne, comme elle s’y était engagée en juillet devant le Parlement, la Présidente de la Commission européenne propose au Parlement européen, au Conseil et aux Etats-Membres une feuille de route ambitieuse. L’ensemble des actions et des politiques européennes sont mises à contribution. Le « Green Deal » invite à une transformation radicale par la mobilisation de tous les leviers d’action à la disposition de l’Union, règlementation et normalisation, investissement et innovation, réformes nationales, dialogue avec les partenaires économiques et sociaux, interventions sur la scène internationale et coopération avec les pays tiers.

Une révision des outils de l’Union pour atteindre la neutralité carbone en 2050

L’objectif principal sur lequel les institutions de l’Union européenne se sont mobilisées en matière de lutte contre le changement climatique est très significativement revu à la hausse par le « Green Deal » : il s’agit d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030 d’au moins 50% par rapport aux niveaux de 1990. Et comme premier chantier, la Commission s’engage à revoir l’ensemble de ses instruments d’actions liés au climat pour les rendre compatibles avec ce nouvel objectif. Le système d’échanges de quotas d’émissions (ETS) pourrait être étendu à des secteurs actuellement non couverts, comme par exemple le transport maritime, et la Commission propose la mise en place d’une tarification du carbone dans l’ensemble de l’économie, avec un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

Passant en revue l’ensemble des secteurs de l’économie (énergie, industrie, construction, transports, agriculture) la Commission avance des orientations et propose des pistes d’actions pour atteindre ces objectifs renforcés.

Un quart du budget de l’Union européenne pour lutter contre le changement climatique

Considérant l’ampleur des investissements nécessaires, la Commission propose de mobiliser fortement le budget de l’Union européenne en portant par exemple à hauteur de 25% la part consacrée à l’intégration des questions climatiques dans tous ses programmes, en utilisant au moins 30% du nouveau fonds « Invest EU » (ancien fonds Junker), en mettant en place un Fonds de transition pour les régions et les secteurs les plus affectés par les transitions à opérer.

Parmi les autres moyens d’action, la Commission compte sur la recherche, l’innovation, les nouvelles technologies et la digitalisation, en particulier au travers du programme « Horizon Europe » et veut promouvoir l’implication de tous les citoyens européens et les acteurs de la société dans le cadre d’un « pacte européen pour le climat » qu’elle lancera d’ici 2020.

Enfin elle veut placer l’Union européenne au rang de chef de file mondial en faisant en sorte que l’accord de Paris demeure le cadre multilatéral indispensable à la lutte contre le changement climatique et en renforçant les accords bilatéraux avec des pays partenaires, en particulier ses voisins.

Lors du Conseil européen qui se réunissait les 12 et 13 décembre, les chefs d’Etat et de gouvernement ont confirmé leur accord sur le nouvel objectif de neutralité carbone en 2050. La Pologne, toutefois, n’a pas voulu s’engager dans cet objectif.

De son côté le Parlement européen avait adopté deux résolutions sur la question du réchauffement climatique lors de sa réunion du 28 novembre, dans le cadre de la préparation de la COP25 à Madrid(**). Il y « déclare l’urgence climatique et environnementale ; s’engage à prendre d’urgence les mesures concrètes nécessaires pour lutter contre cette menace et la contenir avant qu’il ne soit trop tard, et invite la Commission, les Etats-membres ainsi que tous les acteurs mondiaux à en faire de même ». S’agissant de la neutralité carbone en 2050, il exhorte l’Union européenne à soumettre dès que possible à la Convention de l’ONU sur le changement climatique sa stratégie à long terme pour atteindre cet objectif et invite la Commission à inclure dans son pacte vert un objectif de réduction des émissions de 55% d’ici 2030.

Transports : une réduction de 90% des émissions de GES à l’horizon 2050 !

Rappelant que les transports représentent un quart des émissions de gaz à effet de serre au sein de l’Union européenne, la Commission se fixe pour objectif d’accélérer la transition vers une mobilité durable et intelligente et de réduire les émissions des transports de 90% d’ici 2050. Pour atteindre cet objectif volontariste, elle escompte une relance vigoureuse du transport multimodal destiné à prendre une part substantielle du fret intérieur passant par la route. A cet effet, elle annonce qu’elle proposera une modification des textes en vigueur ou en cours de négociation, comme le projet sur les transports combinés (projet de modification de la directive de 1992 sur le transport combiné présenté par la Commission en 2017). Il s’agit de donner de nouveaux instruments à l’Union européenne pour soutenir les opérations de fret multimodal, en insistant sur l’automatisation et la connexion et un recours renforcé aux systèmes intelligents de gestion de trafic et de mobilité à la demande.

La Commission souhaite aussi donner une nouvelle impulsion à la production et au déploiement de carburants de substitution, notamment en accélérant l’installation des dispositifs de recharge et de ravitaillement, avec en particulier le déploiement de points publics de recharge pour les longs trajets et les zones moins densément peuplées. La directive sur le déploiement d’infrastructures pour les carburants alternatifs fera, à cet effet, l’objet d’un projet de révision, de même que le règlement de 2013 sur le réseau transeuropéen de transports (RTE-T) appelé à intégrer ces préoccupations.

La question du transport urbain est aussi abordée par la Commission, comme un enjeu essentiel pour concourir à la décarbonation des transports. Elle avance la perspective de normes plus contraignantes pour les véhicules à moteur à combustion et pour les véhicules utilitaires légers afin d’établir une trajectoire permettant d’atteindre une mobilité à émission nulle d’ici 2025.

Enfin, considérant que le prix du transport doit être en rapport avec l’incidence qu’il a sur l’environnement et la santé, elle annonce vouloir mettre un terme aux subventions accordées aux combustibles fossiles, notamment dans le cadre de la révision de la directive sur la taxation de l’énergie.

(*) Le pacte vert pour l’Europe (COM(2019) 640 final)

(**) Deux résolutions du Parlement européen adoptées le 28 novembre 2019 :

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