Le Plan Juncker sur les rails

Nicolas GAUBERT

Chef du Service Europe, FNTP

Face au constat d’une chute de l’investissement public en Europe, Jean-Claude Juncker a fait de la relance de l’investissement un axe clé de son mandat. Dès l’automne 2014, il a présenté la philosophie de ce qu’il est désormais commun d’appeler le « Plan Juncker » : mobiliser jusqu’à 315 milliards d’investissement en exerçant un effet de levier sur les sphères financières publiques et privées avec 15 milliards d’apport de l’Union européenne.

Le 22 juillet dernier, la Commission européenne et la Banque européenne d’investissement (BEI) ont signé l’accord technique sur l’instrument financier ouvrant la voie au lancement du « Plan Juncker ».

Le FEIS, clé de voûte du Plan Juncker

L’instrument clé du plan est le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS). Il s’agit d’un fonds de garantie qui doit permettre de mobiliser des financements privés supplémentaires par un effet multiplicateur de 15, c’est-à-dire que 1 euro de protection versé par le Fonds doit engendrer 15 euros d’investissements privés dans l’économie réelle, qui n’auraient pas eu lieu sans cela. La vocation du FEIS est de faciliter le financement de projets qui présentent un profil de risque élevé en attirant des investisseurs privés grâce à l’effet de levier offert par ce dispositif. Des projets pourraient être ainsi lancés à l’aide d’une palette d’outils financiers : prêts à long terme pour des projets à risque plus élevé, prêts subordonnés, fonds propres et quasi-fonds propres pour la BEI, capital-risque, garanties ou encore titrisation.

Le FEIS est garanti à hauteur de 21 milliards d’euros par le budget de l’Union européenne (16 milliards d’euros) et par la BEI (5 milliards d’euros). Sur les 16 milliards d’euros que l’Union européenne apporte, 8 sont des redéploiements de crédits (Horizon 2020, Mécanisme pour l’interconnexion en Europe). Le FEIS sera aussi chargé de prendre en charge les premières pertes financières qu’essuieraient des projets sélectionnés par la BEI.

Le FEIS est également ouvert aux contributions des États membres, directement ou par l’intermédiaire des banques nationales de développement. Neuf pays se sont déjà engagés à cofinancer des actions par le biais de leurs banques nationales de développement pour un montant de 42,6 milliards d’euros, dont la France qui a promis de mobiliser 8 milliards d’euros via Bpifrance (2,7 milliards d’euros) et la Caisse des dépôts et consignations (5,3 milliards)

Les infrastructures de transport parmi les secteurs éligibles

Les ressources financières seront affectées sans quota géographique ou thématique à des projets viables offrant une véritable valeur ajoutée européenne. Ils doivent être engagés rapidement, en tout état de cause avant la fin 2017. La flexibilité du dispositif était en effet la condition centrale pour mettre en œuvre rapidement des projets susceptibles de bénéficier du FEIS. Mais il a aussi fait l’objet d’un âpre débat avec les membres du Parlement européen qui ont regretté qu’une partie des enveloppes allouées notamment aux infrastructures de transport (Mécanisme pour l’interconnexion en Europe) soient prélevées au profit du FEIS.

En effet, si les infrastructures de transport entrent bien dans le cœur du dispositif du FEIS, d’autres secteurs sont également éligibles (éducation, recherche et innovation, investissements visant à dynamiser l’emploi, notamment par le financement des PME, mesures en faveur de l’emploi des jeunes…).

Une mise en œuvre en cours de finalisation

Trois experts de la Commission et un expert de la BEI composent le comité de pilotage du FEIS dont le rôle est de définir les orientations générales, les lignes directrices pour les investissements, le profil de risque et l’allocation des actifs du fonds. Un comité d’investissement, constitué d’experts indépendants, aura vocation à décider des projets susceptibles de bénéficier du soutien du FEIS, sans quota géographique ou thématique.

La possibilité de faire remonter des projets s’opérera par le biais d’une plateforme d’investissement (« plateforme européenne de conseil en investissement »), sous l’égide de la BEI, dont la vocation est d’aider à la sélection, la préparation et le financement de projets. Cette liste de projets sera rendue publique et actualisée dans un portail destiné à faire connaître aux investisseurs les projets existants et futurs dans toute l’Europe, afin de renforcer la transparence et d’inciter un maximum d’investisseurs à prendre part au financement. Ce soutien technique sera opérationnel pour la fin de l’année 2015.

Le défi est donc maintenant de faire émerger des projets de qualité, susceptibles de mobiliser les investisseurs privés.

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