Sous l’angle strictement politique, la récente élection du Parlement européen a manifestement connu en France une dimension nationale. Avec ses résultats, attendus et inattendus, elle a participé de la recomposition profonde du dispositif politique de notre pays, recomposition loin d’être aboutie. On peut y voir un indice supplémentaire d’une ignorance de la vie politique de l’Union européenne comme telle, de son rabattement sur des enjeux politiciens nationaux de court terme. À l’inverse, on peut aussi y voir la manifestation que, désormais, vie politique européenne et vie politique nationale ne peuvent plus être séparées. La récente « Initiative » européenne de TDIE s’inscrit délibérément dans cette seconde perspective.
Dans la préparation de ces élections, un groupe de travail issu du conseil scientifique de TDIE a tout d’abord dressé un état de la situation du système de mobilité de l’Union et des problèmes qui se posent sur son avenir. Un Livre vert de 121 pages (en comptant les annexes) en est résulté qui, délibérément pédagogique, entend offrir aux nouveaux parlementaires européens un mode d’emploi des institutions de l’Union et, par l’information synthétique qu’il contient, rester un outil de référence pour les temps à venir.
Sur cette base, TDIE a interpellé les têtes de liste des candidats à cette élection en leur adressant un questionnaire, pour connaître les propositions qu’ils porteraient s’ils étaient élus au Parlement européen. Leurs réponses écrites ont été recueillies et diffusées. Enfin, les représentants des listes qui l’ont souhaité ont participé à un débat public, une semaine avant les élections, où les convergences et les divergences sur quelques points clefs sont clairement apparues.
Au-delà de ces débats – qui nourrissent la démocratie – on constate que les questions clefs qui se posent en France et à l’échelle européenne sont largement les mêmes, alors que notre pays, par sa géographie, ses institutions et sa trajectoire politique et économique à long terme, a de fortes spécificités en matière de transports. Ce constat vaut pour les trois blocs de questions essentielles que soulève le Livre vert, et qui touchent à la cohésion sociale, économique et territoriale ; à la mobilité durable ; enfin à l’innovation et à la définition de perspectives de long terme.
Mais les liens entre niveaux national et européen vont au-delà de l’analogie des questionnements, ils relèvent de l’interdépendance effective. Ainsi, le budget européen contribue-t-il à la réalisation de projets nationaux, et peut-être bientôt aux grands projets que sont le canal Seine Nord-Europe et la liaison ferroviaire Lyon-Turin. Plus largement, il est clair que la solution de certains problèmes passe nécessairement par une action coordonnée à l’échelle européenne sinon plus large encore, qu’il s’agisse de la normalisation des véhicules routiers pour en réduire les nuisances, de l’harmonisation des conditions sociales et fiscales sur le marché unique des transports européens, de l’interopérabilité du système ferroviaire, du soutien à la recherche et à l’innovation, de la transition énergétique ou de la réinvention d’une politique industrielle commune dans le cadre de la globalisation.
Il s’ensuit que, contrairement à ce que pensent nombre de nos concitoyens et à ce que disent certains responsables politiques, l’Europe n’est pas seulement un cadre contraignant auquel la politique nationale devrait, volens nolens, se conformer. Il convient bien sûr de transposer dans le droit national les directives établies au niveau européen selon la procédure de codécision associant représentants des gouvernements nationaux au sein du Conseil et députés élus directement au Parlement européen. Il est nécessaire que, réciproquement, les représentants de la France interviennent activement au plan communautaire pour porter des projets contribuant à l’amélioration de cette composante indispensable de notre fonctionnement social qu’est le système de mobilité.
Pour autant, tout ne se décide pas à Bruxelles et à Strasbourg et c’est bien à Paris – au Sénat et à l’Assemblée nationale – que se vote en ce moment même la Loi d’orientation des mobilités qui doit fixer un cadre et des perspectives pour les années à venir. La politique française des transports est tout à la fois européenne et nationale.
C’est pourquoi, dès sa création en 2000 et avec une nette accentuation à partir de 2014 (quand notre association publia ses « Dix propositions pour une politique européenne des transports »), TDIE entend relier constamment – et pas seulement le temps des élections – le niveau national et le niveau européen dans ses analyses, ses diagnostics, ses propositions. Notre think tank poursuivra en ce sens ses contacts réguliers avec les parlementaires européens (français, francophones et au-delà), avec la Commission, la représentation française auprès de l’Union, les ONG et fédérations professionnelles, les journalistes, etc. et relancera prochainement l’Observatoire des politiques et des stratégies de transport en Europe (OPSTE).
Une telle attitude n’est pas encore devenue évidente, naturelle, pour de nombreux acteurs du système de transport de notre pays qui se cantonnent au cadre national. TDIE est dans son rôle en incitant à cette nécessaire évolution des manières de penser et d’agir.