Le renouvellement des institutions de l’Union européenne au cours de l’année 2014 : un moment charnière pour l’avenir de l’Europe

Patrick FAUCHEUR

Conseiller auprès du Secrétariat général des affaires européennes

Des changements importants sont attendus au cours de l’année 2014 au Parlement européen, à la  Commission  européenne et au Conseil européen. En effet le calendrier du renouvellement des institutions  coïncide entre le Parlement  et la Commission, mais également avec la présidence du Conseil européen, si  son président arrive à la fin de son  deuxième mandat, ce qui est le cas pour l’actuel président M. Van Rompuy.

Ainsi, au cours de cette année, le Parlement, la Commission et le Président du Conseil européen seront  renouvelés selon  les procédures prévues par le traité de Lisbonne. Il convient, aussi, d’ajouter a ces  changements le poste, relevant à la  fois de la Commission et du Conseil de l’Union européenne, de haut  représentant pour l’action extérieure de l’Union  européenne actuellement tenu par Mme Asthon. La  présidence du Conseil de l’Union européenne changera, quant à elle, début juillet, comme c’est le cas tous les six mois, passant de la Grèce à l’Italie.

Ces changements auront un impact important sur le fonctionnement des institutions et sur les orientations de l’Union européenne à un moment où celle-ci est particulièrement mise en question, même si des éléments de continuité demeurent s’agissant, par exemple, du cadre financier pluriannuel 2014-2020 adopté fin 2013 ou de la stratégie Europe 2020 qui n’ont pas vocation à être remis en question.

Les élections des députés européens le 25 mai dernier constituent le point de départ des changements à venir. Le premier est, en effet, la constitution d’un nouveau Parlement avec ses 751 députés représentant les 28 États membres (dont 74 pour la France) et élus pour 5 ans.

Les premiers travaux du Parlement qui interviendront courant juillet auront pour objet de mettre en place les diverses structures permettant son fonctionnement, à savoir l’élection à la majorité absolue de son Président et des quatorze Vice-présidents et la répartition des parlementaires dans les diverses commissions en tenant compte des divers groupes politiques constitués au sein du Parlement.

La désignation du Président de la Commission représente le premier enjeu auquel seront confrontées les institutions. Une fois son organisation mise en place, la première décision que le Parlement aura à prendre concernera sa position sur le candidat proposé pour la présidence de la Commission par le Conseil européen rassemblant les chefs d’Etat et de gouvernement.

Il revient, en effet, à ce dernier, de proposer un candidat en tenant compte du résultat des élections au Parlement européen. Cette disposition qui relève du traité de Lisbonne ne signifie pas que le Conseil européen soit obligatoirement tenu de suivre la candidature relevant de la majorité au Parlement, comme cela a pu être dit. C’est, d’ailleurs, ce qui se passe actuellement, puisque J.C.. Juncker, candidat de la majorité au nouveau Parlement n’est pas soutenu, à ce jour, par tous les Etats-membres. Le traité n’impose pas, cependant, l’unanimité du Conseil mais sa majorité qualifiée. Toutefois pour ce type de décision les chefs d’Etat et de gouvernement tentent de trouver un consensus. On s’oriente donc vers une négociation serrée entre le Parlement et le Conseil sur le choix du Président. Du coté du Parlement, J. C. Juncker va chercher à s’imposer en tentant de rallier au sein du Parlement une majorité de coalition et en faisant valoir sa légitimité démocratique en réponse aux aspirations manifestées lors des élections.

De son coté, le Conseil pourrait essayer de proposer une personnalité susceptible de rassembler les Etats membres sur les grandes orientations à donner à l’Union européenne en faveur de la croissance et de l’emploi en s’accordant sur un candidat ayant plutôt un profil technique.

C’est, en effet, dans ce sens qu’il s’est exprimé lorsqu’il s’est réuni quelques jours après les élections au Parlement. Les négociations vont donc se poursuivre dans les prochaines semaines entre le Conseil européen et le Parlement, probablement jusqu’à la prochaine réunion du Conseil européen qui se tiendra fin juin et qui pourrait permettre la désignation du Président de la Commission. Quoiqu’il en soit le candidat qui sera proposé par le Conseil européen aura fait l’objet, au préalable, d’un accord informel avec le Parlement puis de son approbation en assemblée plénière.

A l’issue de sa désignation par le Conseil européen, le Président de la Commission devra constituer son équipe, c’est à dire le collège des 28 commissaires, un par État-membre sur la base de leur proposition. On peut s’attendre, là aussi, à de nombreuses négociations, mais cette fois-ci entre le nouveau Président de la Commission et les Etats membres, sur le portefeuille qui sera attribué à leur commissaire, certains ayant des visées précises sur le choix du portefeuille. On peut, d’ailleurs, penser que ces questions d’attribution de portefeuille seront aussi présentes lors des travaux préalables à la désignation du Président de la Commission.

Une fois que le Président de la Commission aura constitué son équipe, les commissaires proposés feront l’objet d’une audition par le Parlement qui pourra, éventuellement, contester telle ou telle proposition, comme ce fut le cas lors de la précédente Commission. En cas de contestation, l’Etat-membre concerné devra proposer au Président de la Commission un nouveau candidat, ce qui pourrait , par ailleurs engendrer une redistribution des portefeuilles de commissaire.

Ce processus conduisant à la nomination de la prochaine Commission peut prendre un certain temps. En tout état de cause celle-ci devra être en place au plus tard fin novembre.

La constitution d’une nouvelle Commission (Président et commissaires) n’entraîne pas obligatoirement de modifications dans l’organisation des services, ni dans les équipes en place. Cela peut intervenir dans un deuxième temps, mais sans aucune automaticité. Toutefois il semble que l’actuelle Commission réfléchisse à une nouvelle organisation visant, notamment, à réduire le nombre de directions générales autour de grandes thématiques. Il appartiendra à la nouvelle Commission de se prononcer sur une telle évolution.

Enfin le dernier changement concernera le Président du Conseil européen. L’actuel Président M. Van Rompuy, doit quitter ses fonctions fin novembre, après un premier renouvellement, il y a deux ans et demi, le traité de Lisbonne ayant limité à une seule la possibilité d’un renouvellement. A ce jour, aucune candidature n’est formellement avancée, mais il est probable que le choix du futur Président, qui sera désigné par le Conseil européen fera partie d’une négociation globale incluant la présidence de la Commission.

Au-delà de ces renouvellements dans les institutions et des désignations correspondantes, l’un des enjeux essentiels restera la définition des grandes orientations politiques de l’Union européenne pour les prochaines années. Des leçons devront, notamment, être tirées du résultat des élections au Parlement européen. Des orientations claires sont attendues.

C’est en ce sens que ce sont exprimés les chefs d’Etat et de gouvernement à l’issue des élections. Les orientations et le programme de travail que le nouveau Président de la Commission devra présenter au Conseil européen et au Parlement sont fortement attendus. Ils devraient donner lieu à des travaux au sein de ces institutions dès l’automne et à des conclusions du Conseil européen et des résolutions du Parlement particulièrement importantes et stratégiques pour l’avenir de l’Union européenne. Les prochains mois seront, ainsi, des moments clés pendant lesquels de nombreux courants tenteront d’influencer les orientations qui vont se dessiner.

Dans ce contexte les travaux législatifs du Parlement ne devraient pas débuter avant l’automne, notamment après que chaque commission ait pu fixer son programme de travail et que des rapporteurs aient pu être nommés pour les textes en cours de négociation.

Si la nouvelle assemblée sera invitée à poursuivre les travaux sur les textes en cours de négociation à l’étape où ils sont arrivés lors des derniers travaux de l’assemblée précédente, elle pourra, néanmoins vouloir remettre en question des textes adoptés par le Parlement en 1 ère lecture qui n’auraient pas encore fait l’objet d’une adoption finale par les deux co-législateurs.

Ainsi, par exemple la nouvelle assemblée aura toute liberté, si elle le souhaite, pour ré-ouvrir la 1ère lecture du Parlement sur le 4ème paquet ferroviaire et réengager les travaux sur la base initiale de la proposition de la Commission.

De son coté le Conseil de l’Union européenne, sous la présidence de l’Italie, continuera ses travaux législatifs sur la base de son programme et des résultats obtenus au cours du 1er semestre. Sur le 1er paquet ferroviaire, par exemple, la présidence italienne a inscrit dans son programme les négociations sur les deux textes du volet politique escomptant un accord politique d’ici fin 2014. Il appartiendra à la prochaine Commission de se prononcer sur l’évolution des négociations, sans nécessairement être en tous points sur la même ligne que la précédente Commission.

Le 2ème semestre 2014 constitue donc à tous égards une période charnière pour l’avenir de l’Union européenne, période qui nécessite à la fois de porter une attention soutenue aux travaux menés dans les institutions mais aussi d’être en capacité de proposition et d’influence pour faire partager ses attentes et points de vue sur les grands enjeux auxquels l’Union européenne est confrontée aujourd’hui et préparer l’Union européenne de demain.

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