Comment traduire l’idée de sobriété dans les politiques publiques de transport ? Comment les Etats européens déclinent-ils l’idée de sobriété dans des stratégies d’orientation et d’incitation des comportements ?
Cette question posée aux experts de l’OPSTE paraissait d’autant plus simple et évidente à formuler qu’elle faisait suite aux travaux préparatoires au bulletin #6 « Décarboner le transport, un objectif primordial » sur les leviers des politiques de décarbonation des transports. En France, le terme sobriété est devenu un des éléments de langage les plus courants des expressions et des débats générés par le défi de la préparation de nos politiques publiques à la neutralité carbone en 2050. Ce nouveau tour d’horizon de l’OPSTE a souligné d’emblée une autre question, qui rappelle les liens complexes entre langage, débat et décision politique : l’idée de sobriété dans son acception politique française déployée depuis plusieurs mois ne se traduit pas d’évidence, d’abord en termes simplement linguistiques, ensuite en termes d’orientations politiques… ni dans toutes les langues, ni dans chacun des espaces nationaux couverts par l’OPSTE.
Certes, le terme sobriété tel qu’il est employé en France peut être considéré comme la traduction du mot sufficiency employé par les experts du GIEC, qui écrivent et publient en anglais. Cependant, il semble que cette partie du défi de la transition écologique, qui interpelle très directement les process industriels et les choix des acteurs économiques au sens large (décideurs publics, entreprises, ménages et individus), constitue aussi un défi politique marqué par les histoires, les profils économiques, l’organisation des institutions, et les préoccupations d’actualité de chaque pays.
De son côté, l’Union européenne a publié des orientations et des projets législatifs destinés à assurer une réduction de la consommation d’énergie tous secteurs confondus, au sens d’une sobriété générée par un effort d’efficacité énergétique des machines et des modes d’organisation – ce que l’on appelle l’efficience. Mais en matière de transports, la Commission déploie d’abord une politique d’offre de transport à travers la recherche de solutions favorables au transfert modal – pour les voyageurs comme pour les marchandises. A la suite de la publication du Green Deal (décembre 2019), la publication de la Stratégie pour une mobilité durable et intelligente (*) souligne la nécessité de décarboner tous les modes. C’est l’un des enjeux des Paquets Fit for 55 (juillet 2021) et mobilité verte (décembre 2021). Dans ses documents de politique des transports, la Commission n’utilise quasiment jamais le terme sufficiency.
A travers cette nouvelle édition du bulletin de l’OPSTE, préparée à l’occasion d’une réunion en visio au mois d’octobre 2022, on mesure l’importance des mots et des idées avec lesquels sont menés les débats qui préfigurent les grandes orientations nationales de politique publique des transports. L’usage collectif de l’anglais n’a pas encore effacé les nuances et les spécificités des sensibilités politiques, sociales, économiques de nos différents pays !
Consulter ou télécharger le bulletin #7 :
(*) Pour une présentation et mise en perspective de la Stratégie pour une mobilité durable et intelligente, vous pouvez consulter le compte-rendu du webinaire organisé par TDIE & TI&M le 26 janvier 2021.