En Suisse le transfert modal n’est pas un vain mot !

Philippe DURON

Co-président délégué de TDIE

Nous avons beaucoup à apprendre de nos voisins

Étrange Suisse, petit pays montagneux de 6,5 millions d’habitants moins étendu que la Région Rhône-Alpes sa  voisine. La Confédération helvétique est devenue le modèle en matière de mobilité.

À l’invitation de l’ONG Initiative des Alpes nous avons découvert durant deux jours avec des parlementaires, des élus régionaux et des professionnels du transport et des infrastructures, le chantier du tunnel ferroviaire du Saint Gothard. Plus que les  chiffres (57 kilomètres de tunnel, 12 Md€, près de 10000 personnes ayant travaillé sur le chantier…), ce sont les  objectifs et la méthode qui méritent l’attention et pourraient nous servir d’exemple.

Une modification de la Constitution pour organiser le transfert modal

En 1994, cette mobilisation aboutit à une modification de l’article 84 de la Constitution suisse, qui stipule désormais :

« La Confédération protège les régions alpines contre les effets négatifs du trafic de transit. Elle limite les nuisances causées par le trafic de transit afin qu’elles ne portent pas atteinte aux êtres humains, aux animaux, aux plantes, ni à leurs espaces vitaux. Le trafic de marchandises à travers la Suisse sur les axes alpins s’effectue par rail (…). La capacité des routes de transit des régions alpines ne peut être augmentée. (…). »

Les principes étant posés, la méthode arrêtée par les autorités suisses est à la hauteur des enjeux :

  • Une réforme du rail pour en améliorer la qualité et l’efficacité. Cela se traduit notamment par la libéralisation du fret ferroviaire.
  • Des voies sans déclivité pour en augmenter la capacité et améliorer la productivité. Décision est prise de percer deux tunnels : le Lötschberg, long de 34,6 kilomètres, en service depuis 2007 et le Gothard, long de 57 kilomètres, qui entrera en fonction le 13 décembre 2016 à 6h du matin.
  • Un prix plus élevé pour l’utilisation de l’infrastructure routière. Une votation populaire adoptée en 1998 par 57,2% autorise la mise en place d’une redevance sur le trafic poids lourds. Elle est perçue en fonction du poids total du véhicule, de sa catégorie d’émission et des kilomètres parcourus en Suisse. C’est la première taxe kilométrique au monde appliquée à toutes les routes du pays sans discrimination. Les camions suisses comme les véhicules étrangers l’acquittant sans distinction. Elle est en vigueur depuis le 1er janvier 2001. On croit rêver, nous les Français qui ne parvenons pas à mettre en œuvre l’écotaxe poids lourds malgré des aménagements au profit des régions périphériques !

Aujourd’hui, le rail assure en Suisse 74% du trafic de marchandises !

Si les résultats sont exemplaires pour le trafic de transit, il en va autrement du trafic intérieur où le rail ne réalise que 24% du trafic de fret, ce qui est déjà beaucoup mieux que dans notre pays.

Qu’à cela ne tienne, l’Initiative Alpine milite aujourd’hui pour une bourse de transit alpin. De quoi s’agit-il ?

L’idée consiste à déterminer le trafic supportable par le milieu naturel, puis de créer des droits de circulation qui seraient d’abord accordés aux transporteurs « vertueux » qui utilisent fortement le rail, de mettre en place une bourse des droits de circulation routière, avec une régulation qui se fait par les prix.

Le système doit, pour être efficace, être mis en place sur tout l’arc alpin pour éviter les effets de report sur les pays voisins. Le système est astucieux, mais il faudra encore de la pédagogie et de l’énergie à l’Initiative alpine pour faire prévaloir un tel dispositif en faveur du report modal. Décidément, nous avons beaucoup à apprendre chez nos voisins suisses. Merci à l’Initiative alpine pour cette invitation.

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