TDIE à Bruxelles : rencontres avec le Parlement européen et la Représentation Permanente de la France auprès de l’Union européenne

Patrick FAUCHEUR

Membre du Conseil scientifique de TDIE

Le rapport présenté par Michel Savy, Président du conseil scientifique de l’association, met en avant la nécessité d’une rupture avec la période précédente fortement orientée sur l’ouverture des marchés à la concurrence. Il propose une approche de la politique des transports plus systémique pour répondre simultanément à un ensemble de défis auxquels l’Europe est aujourd’hui confrontée.

Les membres de la commission Tran du Parlement européen, conduits par Dominique Riquet Vice-président de la commission et représentant diverses sensibilités politiques ont relevé la pertinence des propositions, en ce qu’elles s’inscrivent délibérément dans une perspective moyen terme et qu’elles prennent bien en compte les transports dans leur dimension globale.

Ils ont souscrit aux propositions de TDIE considérant qu’elles répondent aux vrais problèmes de compétitivité et d’absence d’un socle social commun, de lutte contre le changement climatique, d’achèvement et de gestion intégrée et intelligente des grands corridors pour lesquels la question de leur financement reste un point central, et enfin de la poursuite des chantiers en cours comme le quatrième paquet ferroviaire et le ciel unique.

Toutefois, ils ont laissé entendre que certaines solutions pouvaient relever simultanément des transports et d’autres politiques de l’UE, s’agissant par exemple de l’absence d’un socle social commun qui nécessite d’être traité en liaison avec la question du détachement des travailleurs.

Le Représentant Permanent adjoint de la Représentation Permanente, Alexis Dutertre, a évoqué la nouvelle organisation de la Commission voulue par le Président Juncker, susceptible de faciliter les décloisonnements entre les directions de la Commission et ainsi répondre à une nouvelle manière plus globale d’appréhender les politiques dont celle des transports.

Il a fait état d’une organisation non plus en silos comme c’était le cas auparavant mais d’une organisation davantage collégiale au sein de laquelle des débats devraient s’instaurer entre les Vice-présidents et les commissaires avant toute nouvelle initiative de la Commission. Ainsi il ne s’agit plus, comme cela a pu être le cas précédemment, de maintenir le réservoir des propositions des directions mais de s’inscrire dans les grands chantiers lancés par le Président de la Commission en respectant les principes du « mieux légiférer ». A cet égard la politique des transports ne relèvera plus d’un seul commissaire Mme Bulc, mais se rapportera aussi à d’autres commissaires dont M. Sefcovic Vice-président en charge de l’énergie et M.Katainen Vice-président en charge de la croissance et responsable de la mise en œuvre du plan Juncker. Cette nouvelle façon de travailler de la Commission devrait ainsi faciliter l’approche systémique de la politique des transports avancée par TDIE.

Le financement des infrastructures de transport et le plan Juncker ont été aussi au cœur des échanges. Aux diverses questions sur l’articulation avec le Mécanisme d’Interconnexion en Europe, sur l’origine des 315 milliards d’euros et le choix des projets, des premières réponses ont pu être apportées par Alexis Dutertre suite à la présentation la semaine précédente par J.C. Juncker de son plan. L’instrument envisagé est un Fonds européen pour les investissements stratégiques qui serait confié à la BEI sous le contrôle de la Commission. Les fonds proviendraient d’un apport direct de 16 milliards d’euros (dont 5 milliards de la BEI) du budget de l’UE, lequel devrait permettre à la BEI de lever 60 milliards supplémentaires pour les investissements les plus risqués et avec un effet de levier de 15 (légèrement inférieur à l’effet de levier habituellement constaté à la BEI de 17) dû à un mécanisme de titrisation assorti d’une garantie publique, de doter le Fonds de 315 milliards d’euros.

Une proposition législative devrait être adoptée prochainement par la Commission pour définir les modalités de sa mise en œuvre qui sera confiée à une task force, préciser son articulation avec les instruments financiers existant pour les infrastructures de transport, d’énergie et de télécommunication (le MIE) et pour la recherche (le programme Horizon 2020) et fixer les critères de sélection. D’ores et déjà les Etats membres, dont la France, ont fait remonter un certain nombre de projets à la Commission qui a réfléchi à quelques critères, s’agissant notamment de projets rentables, conformes aux objectifs de l’UE et susceptibles de démarrer dès 2017.

Les échanges ont enfin porté sur le quatrième paquet ferroviaire dont les travaux se poursuivent au Conseil sur les textes politiques ( gouvernance, ouverture à la concurrence) et au sein de trilogues sur les trois textes techniques (interopérabilité, sécurité, ERA) entre le Parlement qui a adopté sa première lecture pour l’ensemble des textes du paquet et le Conseil qui s’est d’ores et déjà accordé sur les trois textes techniques. Un état des travaux a pu être dressé par Alexis Dutertre qui a cependant relevé que ceux-ci ont peu progressé au cours de ces derniers mois, alors même que les points de vue entre le Parlement et le Conseil semblent assez proches et qu’entre les Etats membres des points de convergence se dessinent sur les questions politiques. En effet, lors du Conseil d’octobre, le débat entre les ministres a montré que, compte tenu de la diversité des schémas de gouvernance entre les Etats-membres, un modèle unique ne pouvait pas être la réponse et qu’il convenait de s’orienter vers la coexistence de divers modèles horizontaux ou verticaux respectant les règles d’impartialité et de transparence du gestionnaire d’infrastructure, position d’ailleurs peu éloignée de celle du Parlement sur cette question et qui cadre avec la réforme ferroviaire récemment adoptée en France.

En revanche le sujet de la libéralisation devrait être moins consensuel avec le Parlement en ce qui concerne l’échéance que le Conseil souhaiterait repousser et la clause de réciprocité qui suscite encore de nombreux débats. La Lettonie qui prendra la Présidence du Conseil de l’Union européenne en janvier 2015 devrait tenter d’accélérer les travaux avec le Parlement pour conclure un accord sur les textes techniques.

Les deux rencontres de travail ont permis de constater des convergences de vue avec les représentants du Parlement européen, notamment sur le diagnostic porté sur la situation du transport en Europe et les orientations à poursuivre, un intérêt porté à la nouvelle Commission et des espoirs concernant la mise en œuvre du plan Juncker, suite aux informations précises apportées par la Représentation Permanente.

Les textes européens encadrant de plus en plus, sinon influençant, les règles nationales, notamment dans le domaine des transports depuis l’origine de la construction européenne, l’activité législative devrait se poursuivre, même si on peut s’attendre de la part de la Commission à un certain ralentissement dans les initiatives qu’elle sera amenée à prendre compte tenu de sa nouvelle organisation.

C’est pourquoi le travail d’influence doit se poursuivre auprès de la Commission et du Parlement. Le rapprochement avec la Représentation Permanente, située au cœur de la négociation, est à cet égard essentiel pour mieux comprendre les mécanismes et les enjeux propres à chaque institution. Ces rencontres, faisant suite à de précédentes, ont, en effet, témoigné, s’il en était encore besoin, de l’intérêt de maintenir des relations de plus en plus étroites entre les acteurs du transport représentés au sein de TDIE et les institutions bruxelloises.

Prochain rendez-vous : TDIE présentera ses dix propositions auprès de Madame Bulc, Commissaire européenne aux Transports et à l’Espace, le 9 décembre prochain à l’occasion de sa participation au colloque sur le Financement des Transports terrestres organisé par l’Association.

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